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Les ennemis ratons

Posted in Conscientisation, Placement de produits, Tranche de vie with tags , , , , , , , , , , on septembre 29, 2009 by DarK Rémi oF DooM

Étant un ami des animaux, il m’arrive régulièrement d’être attendri par la présence de créatures charismatiques telles que la marmotte, l’écureuil, le chien de prairie et le gnou. Ces bêtes relativement sauvages sont effectivement agréables au regard et sont porteuses d’un charisme certain. Évidemment, on ne peut souvent juger qu’en apparence les animaux sauvages qui, étant sauvages, ont tendance à être hostiles à l’être humain. L’ours blanc, par exemple, a tendance à déchiqueter les êtres humains qui tentent de le flatter à l’état naturel. La plupart des gens savent d’ailleurs que ce serait un geste plutôt imbécile que celui d’entrer en contact direct avec un ours, un loup ou un putois. Ceci dit, certains résidents de la forêt sont fortement sous-estimés. Parmi ceux-ci, il est une race pour laquelle j’ai une haine nouvelle; j’ai nommé le raton laveur.

Hypocrite

Hypocrite

Conquis par l’image amicale que dégage cette engeance maléfique, j’ai toujours éprouvé une certaine naïveté illusoire face à ces joyeux lurons à l’apparence inoffensive qui, à l’instar d’attrayant hobos, se complaisent dans les détritus. Jamais auparavant je ne m’étais questionné face aux représentations fantaisistes peu élogieuses du raton laveur qui, dans l’imaginaire collectif, est souvent représenté comme un voleur, caractéristique que j’attribuais essentiellement à ce bandeau de poil foncé qui orne leur visage. Bien mal m’en prit puisque je fus confronté à la nature profonde et sauvage de ce quadrupède aux mains agiles qui, en dépit de mon amour enfantin pour son espèce, crut bon de me dépouiller de mes biens alimentaires les plus précieux, allant même jusqu’à briser et souiller cette vulgaire tente de nylon qui devait me servir de gîte lors de mon bref séjour en forêt. Victime d’une criminalité primaire devant laquelle seules les lois de la nature peuvent prévaloir, la colère et le désespoir m’envahirent et firent de moi le futur instrument de destruction, le bras vengeur du campeur violé, l’incarnation de l’extinction d’une race. Ils allaient un jour payer et subir l’humiliation!

Voleur

Voleur

Transi jusqu’aux os, accompagné d’un fier camarade beaucoup plus zen que moi avec qui je partageais d’ailleurs ma tente et ma glacière (pour ne pas dire sa tente et nos glacières… pour ne pas dire la tente empruntée à un autre ami et deux glacières dont l’une était la mienne et l’autre la sienne), j’étais prêt à succomber à la folie passagère, la rage guerrière, l’esprit berserk qui m’aurait amené à pulvériser les machiavéliques ratons qui me narguaient derrière les sombres buissons par cette nuit sans lune, n’étant trahis que par la lueur de leur regard mesquin et par le bruit étouffé de l’emballage de mes barres muffin qu’ils étaient entrain d’ingurgiter avec aisance. La sagesse orientale de mon confrère et l’odeur du chili répandu sans ménagement dans la tente et sur nos bagages me ramenèrent toutefois à la réalité, ce qui m’amena à me ressaisir. En ce vendredi soir qui n’était que le début d’une fin de semaine complète pendant laquelle nous allions devoir mendier et nous sustenter à l’aide de l’alcool qui fut épargné, nous nous résignâmes donc à faire un ménage grossier des lieux en tentant de ne pas nous laisser abattre par cette perte tragique, assaillis de toute part par des ratons qui, volontairement peu subtiles, rampaient dans le noir insondable que seules nos lanternes pouvaient percer et n’attendaient qu’une faute d’inattention de notre part pour nous sauter à la gorge. Maîtres forestiers et adeptes des arts mystiques ancestraux, notre attention ne se relâcha point mais le son de la faucheuse se fit tout de même entendre à plusieurs reprises alors que nous délaissions à nouveau notre campement dépouillé.

Fléau du raton

Fléau du raton

Quelques heures plus tard, peu avant que les premiers rayons du soleil ne dispersent tranquillement les ténèbres, la nécessité nous ramena sur les lieux du crime. Constatant un nouvel assaut des forces du mal, les dégâts furent toutefois moindres puisque nous n’avions plus rien à offrir à ces omnivores démoniaques… outre nos vies. Après avoir ingurgité deux sacs de pain (dont un était au blé entier), un paquet de biscuits avoine et raisins, une boîte complète de barres muffin au chocolat, un pot d’amandes, une douzaine d’œufs, un quartier de jambon, un paquet de jambon tranché, un paquet de baloney (bologne), un paquet de douze saucisses à hot-dog, un paquet de bacon et une généreuse portion de chili (et j’en oublie probablement), les ratons laveurs revenaient, plus affamés que jamais, pour nos carcasses croupissantes et torturées par le froid et la fatigue. Couchés innocemment dans cette tente qui avait désormais des airs de tombeau, nous entendîmes les bêtes roder autour du campement, leurs griffes caressant la toile fragile de notre gîte et leurs doigts crochus tentant d’ouvrir la l’ultime porte de ce havre. Faisant usage du kung fu, mon vaillant compatriote repoussa les monstres jusqu’au lendemain matin, ces derniers se rabattant sur le chili que j’avais précédemment lancé dans leur direction tout en se bagarrant entre eux et en émettant des sons horribles à glacer le sang, ces mêmes sons qui ont hanté les nuits de H.P. Lovecraft.

Confronté à un univers mystérieux qui n’est depuis longtemps plus le sien, l’Homme survit misérablement en ces terres inhospitalières, dépendant des outils qu’il a si savamment conçus mais dont la défaillance peut lui être fatale. Limité par ses sens et ses habiletés, handicapé par une faible constitution, amputé de sa principale force alors que son esprit perturbé enchaîne son instinct, l’être humain n’a pour seuls atouts réels que son intelligence et sa débrouillardise, ces qualités faisant malgré tout défaut à plusieurs. C’est ainsi que dans les bois, complètement saoul alors que la bière, le Jagermeister et le Jack Daniel’s font office de repas, entourés de gens sympathiques dans le cadre d’une activité pendant laquelle l’élite intellectuelle de notre société court à vivre allure dans les sentiers sinueux avec une épée faite de mousse à la main, la vie est quand même bien belle. Mon seul regret, à la suite de ce récit épique, est de ne pas avoir réussit à bâtir ma conclusion autour de la célèbre citation selon laquelle « L’habit ne fait pas le moine. » en référence aux maudits ratons.